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Le lien entre la nature et l’assurance : le Groupe de travail sur l’information financière relative à la nature (TNFD) et les risques et les occasions liés à la nature

À mesure que les risques liés à la nature évoluent et s’accélèrent, il est essentiel que nous transformions la relation entre les entreprises, les sociétés et le monde naturel.

Glass sphere over a river with trees in nature — Climate neutral into the future concept - Net Zero 2050

Au début du mois de décembre, des dirigeants de partout dans le monde se sont réunis pour la COP15, la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité, afin d’établir des objectifs et des protocoles pour lutter contre la perte des milieux naturels au cours de la prochaine décennie. L’urgence de changer la façon dont la société vit avec la nature et l’utilise ne pourrait pas être plus pressante. Le monde naturel, tel que nous le connaissons, s’effrite à un rythme sans précédent, mettant à risque les fondations écologiques de notre économie mondiale. Selon la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), les activités humaines ont déjà considérablement modifié 75 % des milieux terrestres et 66 % des milieux marins, et causé la perte de 83 % des mammifères sauvages et de la moitié de toutes les plantes. À mesure que les risques liés à la nature évoluent et s’accélèrent, il est essentiel que nous transformions la relation entre les entreprises, les sociétés et le monde naturel.

C’était le thème de l’événement The Nature and Insurance Nexus organisé conjointement par le Groupe de travail sur l’information financière relative à la nature (TNFD) et Marsh McLennan pour souligner la Climate Week NYC 2022. Au cours du symposium, des présentations et des panels ont examiné la relation entre l’impératif naturel et l’économie, l’urgence de protéger les flux financiers mondiaux des résultats négatifs liés à la nature et le rôle des assureurs pour rendre les entreprises et les sociétés plus résilientes.

Nature loss poses both risks and opportunities, now and in the future

More than half of global GDP — US$44 trillion of economic value generation — is moderately or highly dependent on nature and its services, per the World Economic Forum (WEF). The TNFD-Marsh McLennan event highlighted the growing awareness that depleting the world’s natural resources creates risk, and nature needs to be integrated into business decisions and risk management.

Financial disclosure of nature-related risks can help to achieve this. The aim of the TNFD is to develop a decision-useful risk management and disclosure framework for organizations to use when reporting on evolving nature-related risks and opportunities. This reporting could then support the flow of capital toward nature-positive activities and outcomes. Also, by increasing awareness of the financial materiality of nature loss, businesses may choose to adopt more sustainable practices and nature-based solutions to help regenerate and restore nature, as well as fight against climate change.

“The destruction of nature is not just terrible for the natural system; it is really terrible for our economic system. And we need to do something about it — rapidly,” TNFD Co-Chair David Craig said. “We only have one planet. And there is no value in us working separately on the nature emergency. We have to work together and collectively on the climate and nature emergency.”

* Vidéo disponible en anglais seulement.

Pour le marché, par le marché

Le TNFD, qui a été créé officiellement en 2021 et qui est entièrement financé par des subventions gouvernementales et philanthropiques, est composé de 40 membres individuels représentant des institutions financières, des entreprises et des fournisseurs de services de partout dans le monde ayant plus de 20 billions de dollars américains en actifs.

Dans le cadre du Forum du TNFD, les membres du Groupe de travail collaborent avec plus de 700 institutions pour mettre en œuvre une approche d’innovation ouverte qui encourage les participants du marché à soutenir l’élaboration du cadre. L’objectif est d’accélérer le processus, d’obtenir des commentaires constructifs et d’améliorer la pertinence, la convivialité et l’efficacité du cadre, dont les recommandations finales seront publiées en septembre 2023. La version 0.3 du cadre bêta a été publiée le 4 novembre et est en cours de consultation sur le marché; la version 0.4 est prévue pour mars 2023.

« Nous élaborons des outils numériques et d’autres ressources pour créer un cadre d’évaluation des risques et des occasions liés à la nature », explique M. Craig. « Il est essentiel que nous construisions un cadre réalisable, gérable et utilisable, et que celui-ci soit adopté sur le marché. »

Nature et changements climatiques

En s’appuyant sur les meilleures connaissances scientifiques disponibles, la nature peut se définir selon quatre sphères : la terre, l’océan, l’eau douce et l’atmosphère.

Étant donné que la nature et les changements climatiques sont des défis interreliés, le TNFD complète et s’appuie sur les travaux du Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (TCFD), en mettant l’accent sur la transition vers une nouvelle économie de la nature. Les éléments de base du cadre de travail du TNFD comprennent :

  • Des exigences comparables en matière de production de rapports.
  • Des outils d’évaluation pratiques.
  • Des mesures cohérentes et comparables pour éclairer la prise de décision.
  • Un système de langage commun pour les mesures de protection de la nature.

L’approche du TNFD est également fondée sur le concept du capital naturel, c’est-à-dire les ressources naturelles renouvelables et non renouvelables qui se conjuguent pour offrir un ensemble d’avantages aux êtres humains (par exemple, les plantes, les animaux, l’air, l’eau, le sol ou les minéraux). Le TNFD recommande aux organisations d’évaluer leurs dépendances et leurs répercussions sur la nature, puis de traduire les résultats en effets sur les risques et les occasions pour l’organisation.

« La transition des entreprises vers une empreinte écologique neutre, puis positive, repose sur la reconnaissance par les entreprises de la nature comme un atout », a déclaré Günes Ergun de l’équipe de la Stratégie en matière de durabilité et de changements climatiques de Marsh.

Les possibilités de l’assurance

Les assureurs jouent un rôle essentiel dans la transition vers la nouvelle économie de la nature. Comme M. Craig l’a expliqué lors de sa présentation dans le cadre de la Climate Week NYC, le secteur de l’assurance peut aider à rendre les entreprises et les communautés plus résilientes de plusieurs façons :

  • Comprendre et quantifier les risques liés à la nature et l’atténuation des risques, et faire en sorte que la nature occupe une place importante dans la gestion des risques d’entreprise.
  • Améliorer la transparence et la responsabilisation dans la gestion des risques liés à la nature.
  • Soutenir le transfert des risques et stimuler les investissements dans les solutions de conservation et de restauration de la nature et de la biodiversité.
  • Mettre à l’échelle les solutions fondées sur la nature en déployant une approche globale et une chaîne de valeur.

Alex Wittenberg, un partenaire du groupe d’expertise en assurance et en gestion des actifs d’Oliver Wyman, voit une distinction fondamentale entre la nature et les changements climatiques lorsqu’il est question d’assurance. Selon lui, les assureurs sont plus portés à opter pour des solutions fondées sur la nature, car elles sont souvent plus bénéfiques et moins complexes pour les assureurs.

« De leur point de vue, la plupart des solutions fondées sur la nature offrent deux avantages pour la gestion des risques : elles peuvent les rendre plus stables et plus prévisibles », affirme M. Wittenberg.

Cependant, comprendre les risques liés à la nature représente certainement des défis pour les assureurs. Quoi mesurer et comment le mesurer sont des problèmes courants qui sont compliqués par des données et des antécédents des pertes incomplets.

« Les souscripteurs adorent les données », affirme Suzanne Scatliffe, directrice mondiale de la durabilité chez AXA XL. « Nous savons que la nature offre de nombreux avantages à la société, mais ces avantages sont rarement quantifiés en termes économiques. »

À titre d’exemple, elle explique que l’examen des estimations mondiales du nombre de mangroves est une chose, mais que l’évaluation des risques et de la résilience d’une mangrove précise située près d’une communauté côtière vulnérable est un tout autre défi.

« L’examen de la méthodologie de quantification des mangroves a en fait créé un débat philosophique », affirme Mme Scatliffe.

Cela illustre comment les scénarios fondés sur la nature sont plus complexes que les scénarios fondés sur les changements climatiques, car la nature est beaucoup plus spécifique à l’emplacement. Selon Andre Fourie, vice-président mondial du développement durable chez AB InBev, cette difficulté inhérente démontre l’importance d’intégrer la nature à la gestion des risques.

« Le risque réel est local. Et nous l’avons vu au fil du temps, en particulier avec les risques liés à l’eau », explique M. Fourie. « Pour nous, l’élément le plus important du cadre du TNFD est qu’il est fondé sur l’emplacement. »

Une priorité majeure pour AB InBev est d’examiner les sites à haut risque, comme leurs installations à San Salvador, à El Salvador, pour trouver des solutions afin de réduire la consommation d’eau et d’améliorer la qualité du sol, tout en tenant compte des répercussions sur les communautés locales et la biodiversité.

« Ensuite », poursuit M. Fourie. « Nous nous demandons : à quoi ressemblent la régénération et la restauration? »

Des solutions dans la nature

Malgré les risques importants, la nature est également une source abondante d’occasions, y compris de solutions économiques, communautaires et naturelles positives, que plusieurs panélistes ont mentionnées dans leurs remarques.

Satya Tripathi, secrétaire général de la Global Alliance for a Sustainable Planet, s’inquiète de la détérioration de la nature causée par l’humanité, mais il constate également de nombreux exemples de solutions naturelles, comme l’agriculture durable, qui selon lui pourraient sauver la planète.

M. Tripathi a souligné le succès d’un programme dans l’État indien d’Andhra Pradesh qui a aidé un million d’agriculteurs à se convertir à l’agriculture biologique, avec un objectif ambitieux de convertir les 120 millions de petits agriculteurs du pays.

« Lorsque des millions de personnes se tournent vers l’agriculture biologique, cela démocratise l’accès à des aliments plus sains », a déclaré M. Tripathi, notant qu’Andhra Pradesh a connu une diminution remarquable des problèmes de santé dans les populations qui sont passées à l’agriculture régénérative et positive pour la nature.

Marcelo Behar, vice-président de la durabilité et des affaires chez Natura & Co, un fabricant de cosmétiques brésilien, a donné l’exemple de l’ucuuba (Virola surinamensis), un arbre du Brésil qui a presque été abattu jusqu’à l’extinction.

Constatant que l’ucuuba était à risque, Natura & Co a exploré les autres utilisations possibles de l’arbre. L’entreprise a découvert que l’huile des graines d’ucuuba avait un immense potentiel hydratant. Elle a donc innové avec une nouvelle gamme de produits et a offert à la communauté locale un prix trois fois plus élevé pour la moitié des graines de l’arbre par année que ce qu’elle recevait pour le bois.

« Tout de suite, la communauté a cessé de couper les arbres et a commencé à planter », a déclaré M. Behar. Il a ensuite résumé le défi présenté par la relation entre la nature, l’économie et l’assurance succinctement : « Comment pouvons-nous établir un lien entre les cycles du commerce et les cycles de la nature, tout en nous assurant que cela soit avantageux pour les communautés dans lesquelles nous exerçons nos activités? »

Regard sur l’avenir et sur les occasions à venir

Lors d’une discussion de groupe dans le cadre de l’événement, Tony Goldner, directeur général du TNFD, a noté que de nombreuses organisations ne voient pas encore les dépendances et les risques liés à la nature de manière intégrée. Il a encouragé les entreprises à considérer la nature comme une infrastructure, comme un partenaire essentiel de la chaîne d’approvisionnement et comme une occasion d’investissement.

« Il faut fondamentalement passer d’un état d’esprit axé sur la conservation à un état d’esprit axé sur la classe d’actifs », dit M. Goldner. « C’est là que l’assurance, en particulier, joue un rôle très important dans la catalyse de ce changement. »

Il a expliqué que les changements climatiques, qui jouent un rôle important dans la perte de la nature, sont un problème important et prioritaire pour de nombreuses organisations. Par conséquent, lorsqu’il est question de l’augmentation de la température et de la transition vers la carboneutralité, il faut également tenir compte des risques et des occasions liés à la nature. M. Goldner a ajouté que plus le secteur de l’assurance est harmonisé avec les programmes de lutte contre les changements climatiques et de protection de la nature, plus la planète et le système financier mondial seront en santé.

« Les affaires et les finances sont sur le point de consacrer des milliards de dollars aux dépenses liées à la transition. Et notre message principal est le suivant : si la nature n’est pas au cœur des plans de transition, ces plans seront probablement assez risqués. »

Pour en savoir plus, consultez le cadre de travail du TNFD ou contribuez à son développement, ou communiquez avec nos spécialistes des risques environnementaux.