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COP15 : Des dirigeants mondiaux abordent l’état critique de la nature et de la biodiversité

Des dirigeants de partout dans le monde se sont réunis à Montréal du 7 au 19 décembre à l’occasion de la COP15 afin de créer un plan pour répondre à l’état critique de la nature et de la biodiversité.
Forest and tree landscape texture background, Aerial top view forest, Texture of forest view from above.

Des dirigeants de partout dans le monde se sont réunis à Montréal du 7 au 19 décembre 2022 à l’occasion de la COP15 afin de créer un plan pour répondre à l’état critique de la nature et de la biodiversité.

La conservation de la nature est souvent considérée comme le penchant idéaliste des efforts de lutte contre les changements climatiques, mais en réalité, elle représente une menace existentielle encore plus importante que les changements climatiques. Décrite par la sous-secrétaire générale de l’ONU, Inga Andersen, comme une « mort par un milliard de coupures », la perte de biodiversité a atteint des niveaux aux conséquences profondes. Des 8 millions d’espèces végétales et animales du monde, une sur huit est aujourd’hui menacée d’extinction. La dégradation de l’écosystème qui en résulte affecte le bien-être de 40 % de la population humaine. Les objectifs fixés lors de la Conférence des Nations Unies sur la biodiversité (COP15) visent à guider l’action mondiale pour mettre un frein à la perte de biodiversité et inverser la tendance.

L’un des thèmes fondamentaux de la COP15 était la promotion des flux de capitaux et des investissements durables et l’amoindrissement de ceux qui sont nuisibles à la nature. À cette fin, deux domaines ont été explorés en profondeur : la mise en œuvre du cadre mondial de la biodiversité (CMB) et l’atteinte des objectifs associés au cadre, qui portent sur les problèmes de surexploitation de la nature, d’extinction massive des espèces et de perte de biodiversité, ainsi que de pratiques non durables.

Tel que souligné lors de la conférence, la biodiversité a considérablement diminué entre 2011 et 2020, et aucun des 20 objectifs fixés lors de la conférence sur la biodiversité d’Aichi en 2010 n’a été pleinement atteint. Par conséquent, les décisions devant être prises lors de la COP15 concernant l’élaboration d’un nouveau cadre ont commencé à faire l’objet d’une grande anticipation longtemps avant la conférence.

Celle-ci a permis d’arriver à un certain nombre de résultats bien accueillis, le premier en importance étant l’engagement « 30 x 30 », dans le cadre duquel les pays ont accepté d’assurer la protection de 30 % des terres et des océans d’ici 2030.

Il s’agissait d’une ambition clé pour la conférence, et 100 pays avaient déjà signé cette entente à l’avance. L’atteinte de cet objectif d’ici 2030 comprendra :

  • la restauration, le maintien et l’amélioration des écosystèmes, ce qui implique de mettre un frein à l’extinction des espèces et de maintenir la diversité génétique;
  • une utilisation durable de la biodiversité, de sorte à assurer que les espèces et les habitats soient en mesure de subvenir à l’humanité;
  • un partage juste et équitable des avantages de la nature, tout en protégeant les droits des peuples autochtones;
  • le financement et le ressourcement de la biodiversité et des efforts de conservation partout où le besoin existe.

Pour atteindre un bilan naturel mondial positif d’ici 2030, on estime qu’il faudra un investissement minimal de 200 milliards de dollars américains par année. Lors de la conférence, le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) a convenu d’établir le Fonds mondial pour la biodiversité afin de soutenir la mise en œuvre du cadre mondial de la biodiversité, ce qui souligne le désir collectif et l’appui politique mondial pour une mise en œuvre en temps opportun. Une action rapide est essentielle pour ce qui touche à la nature, car le monde réagit plus rapidement aux changements dans la nature qu’aux changements climatiques.

Tout comme pour les initiatives liées aux changements climatiques de la COP27, l’implication du secteur privé est essentielle pour la réussite de ce cadre. Par conséquent, la transparence liée à l’impact sur la nature et à la dépendance des entreprises envers celle-ci sera cruciale pour comprendre le risque et, en bout de ligne, elle jouera un rôle dans la création de paramètres d’investissement.

À cet effet, les architectes du nouveau cadre de rapports, soit les membres du Groupe de travail sur la divulgation financière liée à la nature (le TNFD), ont également reçu un surcroît de financement lors de la COP15. Le gouvernement allemand s’est joint aux gouvernements de l’Australie, de la France, des Pays-Bas, de la Suisse et du Royaume-Uni en tant que partenaires de financement, et conjointement au FEM et à d’autres organisations, les partenaires se sont engagés à remettre 29 millions d’euros (30,8 millions de dollars américains) en financement au TNFD sur six ans.

En plus des cibles relatives aux impacts sur la nature, le TNFD va élaborer le cadre d’établissement des objectifs relatifs aux dépendances sociétales et économiques envers la nature, en y intégrant à la fois les risques et les occasions. L’établissement des objectifs a été dirigé par le Réseau des cibles basées sur la science (le SBTN), qui vise à assurer l’harmonisation des normes et de l’approche.

Avec le TNFD qui gagne de plus en plus d’élan, tous les secteurs devront commencer à prendre note de leurs dépendances et de leurs impacts sur la nature. Le TNFD suivra probablement le même parcours que le Groupe de travail sur la divulgation financière liée au climat (le TCFD), qui a commencé par des recommandations et qui, au fil du temps, a été réorienté par les gouvernements vers un mandat de divulgations obligatoires. Toutefois, comme la preuve en a été faite tout au long de la COP15, la gestion et la divulgation des risques liés à la nature sont beaucoup plus complexes que celles des risques liés au climat.

Dans certains secteurs, la production de rapports sur les risques liés à la nature est déjà intégrée aux pratiques. Au cours des séances et des groupes de travail, un certain nombre de normes existantes en matière de rapports, d’études comparatives et de recherche scientifique ont été référencées : la GRI (« Global Reporting Initiative »), la WBA (« World Benchmarking Alliance ») et l’IPBES (« Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services »). Pour synthétiser l’activité de production de rapports, l’ISSB (« International Sustainability Standards Board ») dirigera l’élaboration de normes mondiales de durabilité et de la « base de référence mondiale ».

Il existe également un certain nombre d’outils utilisés à grande échelle, en particulier par les institutions financières. Ceux-ci comprennent ENCORE, un outil largement utilisé par les entreprises pour évaluer leurs risques et occasions liés à la nature, ainsi que IBAT, pour les évaluations propres aux emplacements.

Des suites de ces développements, les marchés verront davantage de dynamisme et de rapidité au niveau des divulgations, ainsi qu’une meilleure harmonisation entre les normes et les cadres. On a recommandé aux entreprises de se préparer à répondre à une demande pour une plus grande transparence dans ce domaine et de développer des capacités internes pour suivre le rythme des développements en matière de divulgations liées à la nature.

Les données seront essentielles à la divulgation, et comme le coprésident de la TNFD, David Craig, l’a dit : « Le mythe selon lequel il y aurait un “manque de données” pour gérer les dépendances envers la nature et les impacts sur celle-ci est en train d’être brisé ». En effet, le problème est loin d’être un manque de données; il se situe plutôt au niveau du caractère disparate des données. Certaines données identifient l’exposition au risque, mais ne permettent pas suffisamment de comprendre le risque lui-même. Une grande partie des données présente des problèmes de licence, ce qui pose des difficultés lors de la normalisation de la cote de risque, comme cela a été souligné dans le cadre des panels DCI (« Data Catalyst Initiative ») du TNFD.

Il y a des défis à relever en matière de modélisation de la biodiversité, ce qui signifie qu’il est plus difficile d’utiliser les données disponibles pour créer une « empreinte sur la nature » d’une façon qui soit similaire avec ce qui est fait relativement au carbone. Par exemple, la forestation est bien couverte par l’imagerie satellite, mais cela ne fournit pas une indication de la qualité du sol. De plus, il est plus difficile de relier les impacts sur la nature à des activités spécifiques. Cela entraîne des défis autant au niveau de la mise en correspondance des données avec des utilisateurs spécifiques que de la spécification de l’importance. Pour ajouter à ces problèmes, il n’existe actuellement aucun moyen de regrouper efficacement les données.

La santé des océans a également fait l’objet de discussions en profondeur, car les océans représentent la plus grande occasion de réduire le risque d’extinction en dehors des zones protégées, et les objectifs de développement durable liés aux océan sont parmi ceux recevant les plus faibles investissements. Il y a eu une forte pression en faveur d’un mandat de saisie de données dans le secteur maritime, en particulier concernant les zones marines protégées où des bâtiments naviguent. Ces mandats intersectoriels potentiels ont été contrecarrés par des craintes de voir une possible augmentation des litiges.

À l’avenir, il y aura un fort besoin de synthétisation, en particulier en ce qui concerne les mécanismes de soutien des finances. Au cours des deux panels concernant le secteur des services financiers, la simplicité a été le thème dominant des discussions, d’autant plus que ce secteur en est encore à faire ses premiers pas avec la gestion des risques liés à la nature. Néanmoins, le rythme auquel la nature disparait a contraint les discussions à s’en tenir à une fenêtre d’action de cinq ans à compter d’aujourd’hui. En lien avec les discussions portant sur le regroupement des données tenues durant la COP15, Justine Mariette, du Centre de données sur la conservation (le CDC) de la biodiversité, en a appelé au secteur pour trouver un moyen de créer un système unique de notation qui permettrait d’analyser les domaines de risque en profondeur, partout où le besoin existe.

Un point clé à retenir est le niveau de responsabilité qui doit être mis sur le secteur privé pour se préparer à la divulgation alors que les services financiers s’activent pour collaborer avec les agences de notation et les fournisseurs de données, et se préparer à utiliser le TNFD pour évaluer les portefeuilles de prêts et leurs propres risques.