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À chaque nouvelle perte, le grand public, les organismes de réglementation et les autres intervenants mettent davantage l’accent sur les mesures que prennent les organisations qui fabriquent, transportent et entreposent du nitrate d’ammonium pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent. Bien que les sinistres décrits dans ce rapport s’étendent sur plus d’un siècle, un certain nombre de thèmes communs émergent, et indiquent une incapacité à soit apprendre du passé, soit s’assurer que les leçons tirées résistent à l’épreuve du temps.
Le nitrate d’ammonium sert principalement à la fabrication d’engrais et sert également de composant principal de certains explosifs. Il s’agit d’un solide cristallin blanc qui est stable dans des conditions d’utilisation normales, mais explosif s’il est soumis à des chocs ou à des températures élevées. Le nitrate d’ammonium est hygroscopique, c’est-à-dire que s’il est mal entreposé, il absorbe facilement l’humidité de l’air pour s’agglomérer ou se solidifier et devenir des amas plus importants, ce qui augmente davantage la concentration du produit et donc la gravité de toute explosion.
Deux explosions consécutives se sont produites dans un silo contenant environ 4 500 tonnes métriques d’engrais contenant du nitrate d’ammonium, causant plus de 500 décès et endommageant environ 700 maisons. Un certain nombre de changements ont permis de modifier le comportement du produit chimique pour le rendre plus explosif. En outre, ce qui aggravait davantage la situation déjà dangereuse, c’est qu’à l’époque, il était courant d’utiliser de la dynamite pour gérer l’agglomération. Le manque de sensibilisation aux dangers et l’inefficacité de la gestion du changement pendant le processus de fabrication, de même que l’entreposage dangereux et la proximité des zones urbaines ont été des facteurs déterminants qui ont mené à ce sinistre des plus catastrophiques.
Une explosion majeure mesurant 3,4 sur l’échelle de Richter impliquant 400 tonnes métriques de nitrate d’ammonium non conforme aux spécifications est survenue dans une aire d’entreposage temporaire, causant 30 décès, environ 3 000 blessures ainsi que des dommages importants aux propriétés avoisinantes. Il est entendu qu’un certain nombre de catégories mixtes de déchets contenant du nitrate d’ammonium (pour les engrais et les explosifs) ont été combinées, sans qu’on ait pleinement évalué les dangers que ces matières présentaient. Ce scénario d’accident n’a pas été inclus dans le rapport de dossier de sûreté de cet établissement, et l’une des principales leçons tirées de cet événement a été l’obligation d’améliorer le processus de gouvernance des risques. La directive Seveso II a fait l’objet d’une importante mise à jour. Puis des mesures d’amélioration ultérieure ont donné lieu à la directive Seveso III, qui inclut l’identification des composés de nitrate d’ammonium non conformes aux spécifications et déclassés en tant que substances réglementées.
Cette explosion survenue dans un environnement non industriel a concerné 2 750 tonnes métriques de nitrate d’ammonium saisies d’un navire au port et entreposées pendant six ans dans un entrepôt situé à proximité, près de feux d’artifice et d’autres matières dangereuses, pendant qu’un différend sur la propriété de la marchandise était en cours de règlement. L’explosion a fait plus de 200 morts, 6 000 blessés et près de 300 000 sans-abri.
On a signalé que le nitrate d’ammonium avait été entreposé dans de grands sacs empilés les uns sur les autres dans un environnement humide. Par ailleurs, ils présentaient de grandes déchirures. Un incendie s’est déclaré dans l’entrepôt, mettant d’abord le feu aux feux d’artifice, avant d’atteindre la pile de nitrate d’ammonium.
Perception et sensibilisation des dangers. Dans chacun des incidents énumérés ci-dessus, les pratiques de travail indiquaient un niveau de tolérance au risque non sécuritaire ou un manque de sensibilisation aux dangers associés au nitrate d’ammonium.
Entreposage et manutention. Étant donné les caractéristiques inhérentes au nitrate d’ammonium, les conditions d’entreposage sont essentielles à la sécurité et à la stabilité du produit. Cela comprend l’utilisation de matériaux non combustibles, d’additifs anti-agglomérants, d’une ventilation adéquate et de gicleurs.
Proximité des zones urbaines. L’impact de chacun des incidents ci-dessus a été amplifié par la proximité du site d’entreposage avec des zones résidentielles. Dans un certain nombre de cas historiques, l’aménagement du territoire avait permis une urbanisation sans comprendre avec précision le pire scénario plausible pouvant survenir aux installations d’entreposage. Dans le cas de Beyrouth, la matière dangereuse a été apportée dans une région densément peuplée et laissée sans solution pendant un certain nombre d’années.
À la suite de l’incident de Beyrouth, l’équipe d’ingénierie des risques des services spécialisés de Marsh a publié un document détaillant les pratiques exemplaires et les leçons apprises relativement à la manutention du nitrate d’ammonium.
L’histoire a démontré à maintes reprises qu’en tant qu’industrie, nous ne sommes pas vraiment parvenus à tirer les leçons du passé et à prévenir la répétition d’incidents semblables. Il existe de nombreux autres sinistres liés au nitrate d’ammonium lesquels ne sont pas abordés en détail dans ce rapport, notamment celui survenu en 1947 à Texas City aux États-Unis; celui qui s’est produit en 1998 à Xingping en Chine ou encore celui de 2004 à Barracas en Espagne et celui touchant la côte ouest des États-Unis en 2013. La publication 100LL de 2020 portait sur les défis liés aux leçons tirées des sinistres et sur l’importance de veiller à ce que les mesures d’atténuation des risques demeurent robustes. Les principaux points à retenir pourraient s’appliquer à tous les cas décrits ci-dessus :
Immédiatement après l’explosion de Beyrouth, des stocks similaires ont été découverts dans des ports du monde entier, y compris un de taille similaire au Sénégal auquel une solution a été rapidement fournie, ce qui a permis d’éviter un sinistre potentiellement sérieux de plus. Bien que cette prise de conscience soit positive à court terme, elle soulève encore une fois la question de savoir comment nous pouvons communiquer efficacement les pratiques exemplaires dans le monde, avant que des incidents ne se produisent. L’un des principaux objectifs de cette publication vise à aborder cette question. Comme toujours, pour éviter que l’histoire ne se répète, il est essentiel de faire part ouvertement des leçons tirées des sinistres et de les communiquer à nouveau dans une large mesure chaque année.