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DHAA : une collaboration public-privé pour mettre la santé à portée de main

Les employeurs ont la possibilité d’utiliser les technologies numériques comme catalyseur pour contribuer à combler le fossé en matière de santé et à accroître l’engagement et la productivité des employés.
Young Girl Sick at Home Using Smartphone to Talk to Her Doctor via Video Conference Medical App. Woman Checks Possible Symptoms with Professional Physician, Using Online Video Chat Application

Une entrevue avec la Dre Lorna Friedman, associée principale, Santé, transformation et durabilité, Mercer

La Digital Health Action Alliance (DHAA) est une collaboration entre Mercer et le Forum économique mondial (FEM), l’organisation internationale pour la coopération public-privé.

L’objectif de la DHAA est de déterminer comment les nouvelles technologies de la santé numériques, associées à des traitements éprouvés et à des sources de soins fiables, peuvent contribuer à réduire les décès prématurés causés par des maladies non transmissibles, en particulier les maladies cardiovasculaires. L’alliance comprend actuellement 54 organisations, défenseurs et entrepreneurs qui tous collaborent pour relever ce défi.

Le 18 janvier 2023, la DHAA a pris la parole lors de la réunion annuelle du FEM à Davos, en Suisse. C’était une occasion unique pour les membres de l’alliance de partager leur programme et leurs conclusions avec des gouvernements, des entreprises et des organisations non gouvernementales influentes du monde entier.

La séance était animée par la Dre Lorna Friedman, associée principale pour la santé, la transformation et la durabilité chez Mercer. Elle explique ici l’importance du programme de la DHAA et le travail que cette dernière a accompli jusqu’à maintenant.

Pourquoi la DHAA se concentre-t-elle sur les maladies non transmissibles?

Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité dans le monde. Elles sont à l’origine d’environ 18 millions de décès chaque année, soit près d’un tiers de l’ensemble des décès dans le monde. Environ 6,5 millions d’entre eux sont considérés comme des décès prématurés, c’est-à-dire qu’ils surviennent avant l’âge de 70 ans.[1]

S’attaquer à ce problème est reconnu comme un objectif majeur de durabilité par les États membres de l’Organisation des Nations Unies, qui se sont fixé pour but de réduire d’un tiers les décès prématurés causés par les maladies non transmissibles d’ici 2030.[2]

La plupart de ces décès surviennent dans les pays à revenu faible et à revenu moyen et représentent une mesure importante et coûteuse de l’inégalité en matière de santé à l’échelle mondiale. Cependant, des décès prématurés surviennent également dans les pays riches, où l’on produit les technologies les plus avancées et les médicaments les plus efficaces, et où l’on y a accès. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, par exemple, il y a des disparités importantes en matière de santé et des différences considérables dans l’espérance de vie d’une région à l’autre, et même d’une ville à l’autre. Cela s’explique en grande partie par des taux variables de maladies cardiovasculaires.[3] Les progrès que nous avons réalisés en science clinique et en gestion de la santé ne sont donc pas répartis de façon égale.

Les décès prématurés privent les familles, les communautés et les sociétés de personnes qui sont souvent dans la force de l’âge et qui peuvent apporter une contribution économique et sociale. Il s’agit donc d’un problème qui touche tout le monde. Et du point de vue de l’employeur, la réduction des problèmes de santé, des déficiences prématurées et même des décès causés par les maladies non transmissibles présente un avantage économique important, car les personnes touchées, encore une fois, sont souvent dans la force de l’âge.

Comment les technologies de la santé numériques peuvent-elles aider?

Nous sommes au cœur d’une transformation numérique dans le domaine des soins de santé. Nous nous sommes donc demandé s’il était possible d’utiliser les technologies numériques comme catalyseur pour réduire le nombre de décès liés aux maladies non transmissibles et combler le fossé en matière de santé. Pour répondre à cette question, nous avons d’abord cherché à comprendre comment les soins de santé sont actuellement accessibles et comment les technologies sont utilisées dans un ensemble diversifié de communautés spécifiques.

Dans les communautés où il n’existe pas de ressources sanitaires importantes ou qui ne bénéficient pas d’investissements adéquats, on constate que la promotion de la santé et les services sont facilités par des travailleurs en santé communautaire ou fournis par leur intermédiaire. Ces travailleurs sont des acteurs essentiels soutenus par les politiques gouvernementales et les systèmes de santé fédéraux dans des pays comme l’Inde, le Brésil et le Kenya[4] [5], [6]. Mais là encore, il ne s’agit pas seulement de pays à revenu faible et moyen. Aux États-Unis, de nombreuses communautés rurales et de nombreux centres de santé qualifiés au niveau fédéral exploitent des cliniques de santé dotées de travailleurs en santé communautaire qualifiés. Ces travailleurs de la santé s’intègrent aux équipes de santé, souvent composées de pharmaciens, d’infirmières, de sages-femmes et d’autres personnes[7].

Et la tendance est à la hausse.

Pourquoi? Parce qu’il y a de la documentation qui suggère que ces travailleurs sont en mesure de susciter un degré élevé de confiance. Les travailleurs en santé communautaire sont souvent issus des communautés qu’ils servent. Ils ont généré un capital social, des relations et une connectivité interpersonnelle, ce qui se traduit par la confiance[8][9]. Et lorsqu’il s’agit de maladies chroniques comme les maladies cardiovasculaires, c’est très important — les gens doivent se sentir à l’aise pour parler de leurs problèmes de santé et des défis liés à la prise en charge d’une maladie qui dure toute la vie.

Les recherches menées par la DHAA portent sur la santé dans quatre domaines différents : la prévention, le diagnostic, le traitement et les soins de santé communautaires. Nous avons découvert que les travailleurs en santé communautaire étaient le fil conducteur de tous ces éléments.

C’est à ce moment-là que nous nous sommes vraiment intéressés à la façon dont les technologies pouvaient être appliquées. Si nous pouvions mettre les bons outils numériques de santé entre les mains de ces travailleurs en santé communautaire, c’est-à-dire les personnes en première ligne qui interagissent avec les familles et fournissent souvent des services de santé aux membres de ces communautés, cela pourrait être un mariage presque parfait. Un défenseur de confiance est désormais en mesure d’être plus efficace.

Dans quels domaines les technologies de la santé numériques peuvent-elles aider?

Les principaux avantages sont un accès accru et plus rapide à l’information et une activité ciblée en fonction des besoins. Dans le domaine du diagnostic, par exemple, ce que nous appelons le diagnostic au « point d’intervention », c’est-à-dire l’idée que l’on peut trouver ce qui ne va pas sans quitter la maison, est très prometteur à l’heure actuelle.

Depuis la COVID-19, nous sommes tous à l’aise avec l’autoprélèvement. Et c’est une grande avancée. Pas besoin de prendre une journée de congé. Pas besoin de se rendre à pied dans une ville voisine. Pas besoin de trouver quelqu’un pour garder les enfants. Le simple fait de changer de lieu de soins représente une valeur économique considérable.

Avec les tests de dépistage de la COVID-19, vous obtenez immédiatement les résultats de vos tests, et ces résultats influencent également votre comportement. Mais d’autres diagnostics peuvent nécessiter l’intervention d’une personne pour interpréter le test et suggérer d’autres mesures. C’est là que le travailleur en santé communautaire entre en jeu. Si nous lui fournissons les bonnes technologies numériques, y compris l’intelligence artificielle (IA), nous pouvons lui faciliter grandement la tâche. Il peut obtenir un diagnostic sur-le-champ, puis communiquer avec une équipe pour comprendre quelles options proposer au patient.

Bien sûr, nous ne pouvons pas simplement présumer que les travailleurs en santé communautaire voudront bénéficier de ces nouvelles technologies ou assumer cette nouvelle responsabilité. Nous devons également comprendre leur expérience, leurs aspirations et les obstacles auxquels ils se heurtent. Nous avons donc élaboré un sondage en 11 langues, et nous travaillons avec un groupe extraordinaire d’éducateurs et de fournisseurs de services sur le terrain pour mieux comprendre le point de vue des travailleurs en santé communautaire. Nous voulons savoir quels outils numériques ils utilisent déjà et ce qu’ils en pensent. Nous combinons ensuite ces sondages avec des entretiens, de sorte que nous avons une bonne combinaison de données quantitatives et qualitatives pour nous aider à comprendre ce qui se passe réellement sur le terrain ainsi que les variables dans divers contextes.

Avons-nous suffisamment de travailleurs en santé communautaire pour que cette stratégie fonctionne?

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) prévoit qu’il pourrait manquer 18 millions de travailleurs en santé dans le monde pour parvenir à une couverture universelle de la santé d’ici 2030[10]. Nous devons donc absolument nous attaquer à ce problème. Les travailleurs en santé communautaire peuvent constituer une solution, et les technologies peuvent contribuer à augmenter leur impact.

Comme pour toute main-d’œuvre, nous devons toutefois relever les défis existants et répondre à des questions clés, comme celles-ci : comment pouvons-nous recruter et fidéliser des travailleurs en santé communautaire? Comment pouvons-nous définir leur rôle de manière à ce qu’il soit engageant et porteur de sens? Qu’en est-il de la rémunération? De la formation? Comment améliorer les compétences et créer des cheminements de carrière?

Nous espérons que l’introduction de nouvelles technologies de la santé numériques nous aidera dans plusieurs de ces domaines. Les premiers résultats du sondage nous montrent déjà que les travailleurs existants sur le terrain veulent plus de technologie. Ils en sont friands et en voient les possibilités. Ils saisissent l’importance de prendre des notes et d’enregistrer des données sur une tablette plutôt que d’avoir à tout écrire sur papier, et de pouvoir communiquer en temps réel plutôt que d’avoir à attendre. Cela raccourcit leur travail, réduit les erreurs et permet d’améliorer les soins.  

Quel est le rôle des employeurs?

Les employeurs ont un rôle énorme à jouer. Premièrement, ils contribuent à l’assurance maladie, que certains employeurs cherchent de plus en plus à étendre à l’ensemble de leur main-d’œuvre. Les responsables des RH et de la gestion de risques peuvent se poser la question suivante : nos avantages sociaux sont-ils adaptés à l’objectif? Nos polices d’assurance sont-elles adaptées à l’objectif? Nos politiques contribuent-elles à la santé de manière équitable, efficace et efficiente?

De plus en plus, cela signifie qu’il faut examiner ce qui est disponible et nécessaire à l’échelle locale. La plupart des organisations internationales établissent leurs politiques à l’échelle régionale ou mondiale, et plusieurs s’efforcent d’offrir des avantages cohérents à l’échelle mondiale. Cependant, « cohérent » ne signifie pas équitable. Les besoins en matière de soins de santé varient considérablement d’une région du monde à l’autre, et les employeurs ont tout intérêt à comprendre les forces et les difficultés locales.

Nous commençons à nous intéresser à des paramètres comme les indices de vulnérabilité et de résilience des communautés – ce sont des points de données avec lesquels les gestionnaires de risques travaillent. Mais de plus en plus, ce sont aussi des concepts avec lesquels les responsables des activités commerciales et les gestionnaires d’avantages sociaux se familiarisent. Les employeurs ont tout intérêt à comprendre quels sont les risques potentiels pour la santé et les soutiens sociaux dans les différents endroits où travaillent leurs employés et, en particulier, comment ces systèmes réagissent en temps de crise. Si un site clé ou une chaîne d’approvisionnement est touché par une inondation majeure, par exemple, comment s’assurer que le personnel peut accéder aux médicaments dont il a besoin? Quelle est la résilience du centre de santé local et comment cela affecte-t-il la résilience de l’entreprise?

Les employeurs ont souvent travaillé en collaboration pour s’assurer que les services sont disponibles au sein de leurs communautés locales, et ils sont souvent perçus comme des leaders et certainement comme des influenceurs. Pour avoir un impact, nous devons comprendre les atouts ou les lacunes qui existent dans les structures de santé communautaire et de soutien social. Lorsque nous travaillons ensemble pour renforcer les systèmes de santé, nous améliorons les résultats en matière de santé pour tous et, ce faisant, nous contribuons à des sociétés plus saines pour tous.

La collaboration est essentielle pour faire en sorte que le capital santé soit réparti de façon plus équitable au sein de la communauté. Et que nous l’appelions partenariat public-privé, commandite ou plaidoyer, en fin de compte, les gens ont besoin de soins de santé. Les employeurs ont un rôle actuel et historique, ainsi qu’un intérêt direct, à promouvoir et à contribuer aux soins de santé là où leurs employés, leurs clients et leurs chaînes d’approvisionnement exercent leurs activités.

Les gens sont toujours au cœur des soins. Les dirigeants d’entreprise peuvent être d’importants défenseurs de la transformation de la santé, notamment en aidant les travailleurs en santé communautaire à accéder aux outils dont ils ont besoin.


[1] Organisation mondiale de la Santé. « Maladies cardiovasculaires » – Principaux repères, 11 juin 2021.

[2] Organisation mondiale de la Santé. « SDG Target 3.4 — Noncommunicable Diseases and Mental Health ».

[3] Song S., Ma G., Trisolini M., et coll. « Evaluation of Between-Country Disparities in Premature Mortality Due to Stroke in the US », JAMA Network Open, 12 mai 2021.

[4] Wadge H., Bhatti Y., Carter A., et coll. « Brazil’s Family Health Strategy: Using Community Health Care Workers to Provide Primary Care », Commonwealth Fund Case Study, 13 décembre 2016.

[5] Shanthosh J., Durbach A. et Joshi R. « Charting the Rights of Community Health Workers in India: The Next Frontier of Universal Health Coverage », Health and Human Rights Journal, volume 23, numéro 2 (2021), pp. 225-238.

[6] Gitau A. « Kenya Launches New Community Health Strategy », Johnson & Johnson Center for Health Worker Innovation, 23 mars 2021.

[7] Sabo S., Allen C., Sutkowi K., et coll. « Community Health Workers in the United States: Challenges in Identifying, Surveying, and Supporting the Workforce », American Journal of Public Health, volume 107, numéro 12 (2017), pp. 1964-1969.

[8] Saint Onge J.M., Brooks J.V. « The Exchange and Use of Cultural and Social Capital Among Community Health Workers in the United States, », Sociology of Health & Illness, volume 43, numéro 2 (2021), pp. 299-315.

[9] Berner M. et coll. The Value of Relationships: Improving Human Services Participant Outcomes Through Social Capital. US Department of Health and Human Services, 2020.

[10] Organisation mondiale de la Santé. « Addressing the 18 Million Health Worker Shortfall — 35 Concrete Actions and Six Key Messages », 28 mai 2019.