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Cartographie des risques politiques 2021 : la reprise à la suite de la pandémie complique les risques pour l’Asie-Pacifique

De nombreux pays d’Asie-Pacifique ont subi des effets négatifs en 2020. Les économies fortement dépendantes des industries du textile et de l’approvisionnement automobile ont été particulièrement touchées. Selon les Perspectives de l’économie mondiale du FMI, la croissance régionale des marchés émergents et des économies en développement d’Asie et du Pacifique s’est contractée de 1,1 % en 2020, car les ateliers du monde basés en Asie sont restés inactifs.

Les craintes de relocalisation dues à la COVID-19 ne se sont pas encore concrétisées, malgré le fait que les économies et les multinationales cherchent à créer des mécanismes de chaîne d’approvisionnement plus résilients. De nombreux constructeurs automobiles et producteurs de biens matériels constituent actuellement des stocks, ce qui fait grimper les tarifs d’expédition et l’inflation. Certaines entreprises adoptent une stratégie « Chine plus un » pour conférer plus de résilience et de diversité aux chaînes d’approvisionnement. Le Vietnam, avec ses faibles taux de COVID-19 et ses échanges commerciaux ouverts, en a largement bénéficié, prenant des parts de marché à la Chine et à d’autres rivaux asiatiques durement touchés par la pandémie.

L’Asie-Pacifique sera le théâtre de tensions géopolitiques continues entre les deux plus grandes populations de la planète. La rivalité entre la Chine et l’Inde devrait s’intensifier au cours des prochaines années, car la population de l’Inde dépasse celle de la Chine — ce qui alimente la concurrence pour les ressources et menace les chaînes d’approvisionnement vitales pour les deux pays. Plus de 70 % de la valeur du commerce indien et 90 % de son volume sont liés aux exportations maritimes. L’Initiative ceinture et route de la Chine est devenue un élément crucial de la politique étrangère de Pékin, comme en témoignent les droits d’amarrage, les ports et les bases qu’elle a sécurisés le long de la mer d’Oman et de l’océan Indien, de Djibouti au Sri Lanka.

Les collaborations stratégiques avec des partenaires internationaux qui cherchent à forger une coalition économique contre la Chine seront essentielles pour l’Inde. Le détroit de Malacca, l’un des canaux de navigation les plus fréquentés du monde, en tant que route principale entre l’océan Pacifique et l’océan Indien, deviendra plus vital pour la reprise économique en Asie-Pacifique. Cette importance est encore plus marquée pour la Chine, car 80 % de ses importations d’hydrocarbures arrivent par ce détroit. Le plan d’expansion militaire de l’Inde en Insulinde complétera sa projection d’énergie régionale, tout en ajoutant aux risques qui pèsent sur l’ambition d’hégémonie régionale de la Chine. Le plan d’infrastructure devrait être terminé dans les dix prochaines années, ce qui devrait également renforcer la position de l’Inde dans le cadre du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité. Un archipel militarisé pourrait déclencher une course aux armements.

Les changements climatiques, parallèlement à l’industrialisation et à l’urbanisation, menacent la sécurité de l’eau en Asie du Sud et du Sud-Est. Tandis que la Chine déploie sa politique d’hydroélectricité pour le Tibet, la rareté de l’eau deviendra un véritable enjeu politique pour les pays en aval à moyen et à long terme. Ce développement et d’autres facteurs vont probablement exacerber la pression sur la sécurité de l’eau. D’ici 2025, les Nations Unies prévoient que la rareté de l’eau touchera 1,8 milliard de personnes, et l’Asie sera particulièrement touchée par le stress hydrique ou par la pénurie pure et simple. Le contrôle exercé par la Chine sur le Tibet la place dans une position dominante pour contrôler les sources d’eau de l’Asie. Ce pouvoir pourrait être exercé pour orienter les politiques étrangères de ses petits voisins au cours des prochaines années.

Chine

Après un effondrement au premier trimestre de 2020, l’activité économique en Chine s’est normalisée plus rapidement que prévu. Un contrôle efficace de la pandémie, un soutien politique fort de Pékin et des exportations résilientes y ont contribué. Dès le deuxième trimestre de 2020, la Chine a connu une reprise des exportations en raison de la forte demande en équipement de protection individuelle, en fournitures médicales et en produits électroniques, en réponse à l’augmentation du travail à distance à l’échelle mondiale.

Le commerce avec la Chine est un élément clé de l’activité économique mondiale, et le ralentissement du moteur économique chinois cause des problèmes à ses partenaires commerciaux. En décembre 2020, la Chine était bien loin d’avoir atteint les objectifs fixés dans le cadre de la première phase de son accord commercial (en anglais seulement) avec les États-Unis, dans lequel la Chine avait convenu d’acheter plus de biens et de services américains en 2020 et en 2021. Il reste à voir comment les échanges commerciaux entre les États-Unis et la Chine se dérouleront sous une nouvelle administration américaine, mais les premiers signes indiquent que les États-Unis continueront d’adopter une position dure pour contenir leur redoutable rival. Entre-temps, la Chine continue d’investir dans des partenariats de produits de base en Amérique latine et en Afrique afin de consolider son accès aux ressources stratégiques. De telles ressources sont nécessaires à la Chine pour maintenir sa position dominante dans le secteur manufacturier mondial, ainsi que pour poursuivre sa vision ambitieuse de développement d’infrastructures dans le cadre de l’Initiative ceinture et route. Les tensions géopolitiques d’avant la COVID-19, plus particulièrement les frictions bilatérales persistantes avec les principaux partenaires commerciaux en matière de commerce et de technologie, continueront de présenter des risques à la reprise soutenue de la Chine et à ses perspectives de croissance.

Alors que Pékin augmente la valeur des entreprises chinoises, leurs homologues taïwanaises ont stagné. La Chine est devenue un producteur et un consommateur de semi-conducteurs, formant une composante essentielle de l’industrie taïwanaise des semi-conducteurs destinés à l’exportation. La réduction du gouffre en matière de technologie est une ambition de longue date pour Pékin. L’exploration de la fabrication de semi-conducteurs avait été étouffée par l’action législative des États-Unis et de Taïwan, qui empêchait l’exportation de technologies de pointe en matière de semi-conducteurs. Grâce à un financement public étendu et à l’octroi de licences pour des technologies de traitement provenant de sources extérieures, la Chine s’oriente vers des capacités qui étaient jusqu’alors uniques à Taïwan. Les entreprises nationales chinoises fournissent actuellement 10 % des besoins de la Chine en matière de semi-conducteurs, ce qui indique l’ampleur des pertes potentielles pour les fabricants de puces étrangers lorsque la Chine finira par acquérir les connaissances nécessaires pour lancer la production nationale de ses propres puces.

Taïwan est probablement le principal bénéficiaire d’une adhésion accrue à la stratégie « Chine plus un » à l’échelle mondiale, car il s’agit d’un producteur éminent d’appareils électroniques et de semi-conducteurs. Taïwan héberge la plus grosse entreprise de fabrication de puces au monde, mais il est probable que le gouvernement augmentera ses efforts dans le cadre de la stratégie « Investir à Taïwan », ce qui fera de Taïwan une base lucrative pour des entreprises ayant des activités en Chine continentale. Les tensions croissantes avec la Chine à cet égard peuvent faire en sorte que l’administration Tsai découple son économie de la Chine.

En examinant de près les risques politiques et commerciaux, la nouvelle loi sur la sécurité, la guerre commerciale et les accusations de violation des droits de l’homme au Xinjiang ont toutes contribué à accroître les risques multiples pour la Chine, comme en témoignent les cotes relativement élevées obtenues en matière de risque de répudiation des accords contractuels (5,5), risque d’expropriation (5,1), et risque de grèves, émeutes et mouvements populaires (5,0). Le risque de guerre et guerre civile a augmenté, la cote de la WRR de la Chine passant de 2 à 3,5, principalement en raison de l’agitation sociale à Hong Kong et de l’aggravation des tensions avec Taïwan.

La Chine a passé sept décennies à construire des barrages sur la plupart des cours d’eau du plateau tibétain, déplaçant ainsi plus de 23 millions de personnes. Ce lourd engagement économique a permis au secteur de l’hydroélectricité de se multiplier par vingt au cours des quatre dernières décennies. À mesure que l’urbanisation et l’industrialisation augmentent en Chine, les besoins en énergie renouvelable augmentent aussi. C’est pourquoi les entreprises d’État font pression sur Pékin pour qu’il autorise les initiatives hydroélectriques au Tibet, 28 projets étant actuellement en attente d’approbation.

Comme la Chine a approuvé trois nouveaux projets sur le Brahmapoutre, l’Inde a exprimé ses inquiétudes quant au débit de l’eau. Lorsque ces barrages deviendront opérationnels, on prévoit que l’altération du débit de l’eau viendra endommager l’agriculture et l’écologie et perturber la vie de 1,3 milliard de personnes en aval en Inde et au Bangladesh. Sur le plan juridique, il n’existe aucune entente officielle entre la Chine et les pays situés en aval concernant l’utilisation de systèmes fluviaux partagés. Toutefois, une nouvelle législation visant à régir les rivières tibétaines transfrontalières a peu de chance de voir le jour, car la Chine privilégiera vraisemblablement la reprise économique et l’accord commercial de l’ANASE sur certaines ressources stratégiques.

Vietnam

Le Vietnam a réussi à atténuer les répercussions de la pandémie, la Banque mondiale estimant que son PIB a augmenté de 2,8 % en 2020. Cela a été soutenu par une reprise rapide et durable de la production et des exportations et complété par des élans supplémentaires provenant d’investissements publics alimentés par des mesures de relance et d’investissements directs étrangers résilients.

À l’exception de 2020, l’économie du Vietnam a affiché une croissance de 6 % ou plus chaque année depuis 2012, grâce à son secteur manufacturier et à l’augmentation des dépenses intérieures. Largement considéré comme une solution de rechange à la Chine sur le plan des usines et des chaînes d’approvisionnement mondiales, le Vietnam prévoit une croissance économique de 6,5 % en 2021, soit le même rythme de croissance que celui observé avant la pandémie.

Le Vietnam a grandement profité de sa politique commerciale de porte ouverte en participant à trois alliances clés. En novembre 2020, le pays a signé le Partenariat régional économique global (PREG) aux côtés de 14 autres pays asiatiques. La ratification de l’entente constitue la plus importante entente commerciale à l’échelle mondiale, avec un marché de 2,2 milliards de consommateurs et un PIB agrégé d’une valeur de 26,2 billions de dollars américains. Cela permettra d’améliorer le commerce en Asie, car il existe de nombreux accords de libre-échange entre les membres du PREG qui précèdent le nouveau partenariat. Le PREG renforcera les accords préexistants, tout en unifiant les chaînes d’approvisionnement grâce à l’élargissement des dispositions relatives aux « règles d’origine ».

En conséquence, le Vietnam devrait être en mesure de libéraliser son économie à un rythme plus lent que les autres membres du PREG, tout en se conformant à la facilitation des échanges, au commerce des marchandises et des services, ainsi qu’à la réglementation concernant les investissements. La perturbation des chaînes d’approvisionnement à la suite de la pandémie de COVID-19 n’a fait qu’accélérer la nécessité de ratifier ce pacte. L’adhésion de la Chine indique également que des progrès ont été accomplis relativement aux différends maritimes en mer de Chine méridionale et que le commerce et l’économie sont au cœur des prescriptions politiques de Pékin, ce qui a permis d’atténuer les différends territoriaux en mer avec le Vietnam.

Les cotes de la WRR du Vietnam sont demeurées généralement stables, mais le risque de répudiation des accords contractuels a augmenté de plus de 50 % au cours des 12 derniers mois. L’une des principales raisons en est le fait que le ministère de la Défense du pays a demandé, à la mi-2020, un examen de tous les investissements étrangers. Le ministère cherche à établir si l’acquisition de terres impliquant des investisseurs chinois a pu enfreindre les lois vietnamiennes. Les coentreprises impliquant des investisseurs étrangers sont susceptibles de faire face à des perturbations et à des modifications de contrat, particulièrement si elles sont situées près de bases militaires et navales.

Un développement plus positif a été la ratification par l’Assemblée nationale, en juin 2020, de la loi sur les partenariats public-privé (PPP). Cela rend évidente l’aspiration du gouvernement à augmenter les investissements étrangers dans les infrastructures, et c’est la première tentative de régler directement cette question par une action législative précise. Les estimations de la Banque asiatique de développement indiquent que le Vietnam a besoin de 480 milliards de dollars américains d’ici 2030 afin de financer la croissance des infrastructures en énergie, en routes et en eau. Les PPP offriront transparence et stabilité au sein du cadre juridique en ce qui concerne les investissements en PPP.

 

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